Peut-on faire de l’ACC avec une centrale sous contrat de complément de rémunération (CR) ?

Oui (mais lisez quand même la suite !)

Le mécanisme de complément de rémunération (CR) a été introduit en 2015 avec l’objectif d’accompagner les producteurs d’ENR vers la vente de leur production en conditions de marché. À cette époque, le seul mécanisme de soutien était l’obligation d’achat, avec un prix connu sur 15 ou 20 ans. Ce mécanisme est très confortable, trop presque puisqu’il isole totalement les producteurs des enjeux du marché de gros de l’électricité, les laissant assez démunis à l’échéance de leur contrat d’obligation d’achat. Les producteurs de petites centrales hydrauliques en ont fait l’expérience en 2012, année d’expiration des contrat d’OA H97!

Le mécanisme du Complément de Rémunération n’a pas ce défaut. Conclu entre un producteur et EDF OA, il prévoit simplement qu’EDF OA verse au producteur une somme normative, qui vient compléter le revenu que le producteur tire de la vente de sa production sur le marché. Le producteur doit bien chercher à valoriser sa production par ses propres moyens et de façon autonome, se confrontant ainsi à la réalité du marché de gros de l’électricité.

Aujourd’hui, le mécanisme de CR est systématiquement utilisé pour soutenir les actifs de taille importante. Il est généralement octroyé à l’issue d’appels d’offres publiés sur le site de la CRE et parfois en guichet ouvert. Les plus petits actifs continuent d’être soutenus par le biais de l’Obligation d’Achat (OA).

Bien que la prudence du producteur et celle de ses banques poussent l’écrasante majorité des producteurs à rechercher une rémunération de marché répliquant le M0 de leur filière, toutes les modalités de valorisation sont possibles, parmi lesquelles : la vente en bloc, la vente à prix ferme, en PPA auprès de consommateurs, en autoconsommation collective (ACC), etc.

En ce qui concerne l’autoconsommation collective, une lecture hâtive des appels d’offres soulève parfois deux objections :

  1. Les appels d’offres limiteraient l’autoconsommation à 10%.
  2. Les appels d’offres proscrivent l’émission de garantie d’origine.

Ces objections peuvent facilement être levées :

Limitation de l’autoconsommation à 10% de la production

Dans les versions récentes des appels d’offres CRE, dits “PPE2”, il est en effet précisé que le volume Ei, faisant l’objet du complément de rémunération est : “nets des consommations des auxiliaires nécessaires au fonctionnement de l’Installation en période de production et de l’électricité que le producteur consomme lui-même (au sens de l’article L. 315-1 du code de l’énergie) […] dans la limite d’un taux d’autoconsommation annuel de 10 %

Cette limitation vise l’autoconsommation individuelle (article L. 315-1 du code de l’énergie) et pas l’autoconsommation collective (article L. 315-2 du code de l’énergie). Cette simple remarque lève en soit l’objection initiale.

Par ailleurs, la raison de cette limitation est que l’autoconsommation individuelle « vide » l’assiette d’application du complément de rémunération (le volume « Ei ») d’une partie de l’énergie produite. Figer le volume « Ei » à 10% près empêche donc tout arbitrage opportuniste consistant à augmenter la part d’autoconsommation individuelle quand les prix de marché sont élevés (comme en 2022/2023).

Cette éventualité n’existe pas en autoconsommation collective, car les volumes livrés localement ne modifient pas le volume « Ei », comme le précise la CRE dans les questions/réponses publiées sur son site en août 2024 (voir question 232). Il n’y avait donc aucune raison d’inclure l’autoconsommation collective dans cette limitation.

Interdiction des garanties d’origine

Dans tous les appels d’offre CRE on peut lire : « Il est rappelé que, conformément à l’article L. 311-21 du code de l’énergie, l’émission par le Producteur de garanties d’origine portant sur l’électricité produite dans le cadre du contrat entraîne sa résiliation immédiate ainsi que le remboursement des sommes mentionnées audit article ». 

En effet, l’article L.311-21 indique : « L’électricité produite pour laquelle une garantie d’origine a été émise par le producteur ne peut ouvrir droit au bénéfice de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération dans le cadre des contrats mentionnés aux articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18, L. 314-31 et, le cas échéant, L. 314-26 »

Une lecture hâtive laisserait penser que les centrales en CR ne peuvent pas émettre de garanties d’origine! Néanmoins, l’article L314-15 viendra rassurer le producteur : « Par dérogation à l’article L. 311-21, un producteur d’électricité participant à une opération d’autoconsommation au sens de l’article L. 315-1 ou L. 315-2 peut bénéficier des garanties d’origine de l’électricité autoconsommée produite par son installation de production d’électricité renouvelable participant à ladite opération d’autoconsommation et qui bénéficie d’un contrat conclu en application des articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18, L. 314-31 ou L. 314-26, sans préjudice du bénéfice de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération. »

Conformément à l’article L. 311-20, les garanties d’origine dont bénéficie ainsi ledit producteur sont immédiatement annulées afin d’attester de l’origine locale et renouvelable de l’électricité autoconsommée.

Ces garanties d’origine ne peuvent être vendues. »

Malgré le rappel de l’article L. 311-21 fait dans les cahiers des charges, il est possible d’émettre les garanties d’origine sur la part autoproduite au profit du consommateur, sans perdre le bénéfice du CR. La cohabitation entre ACC et CR est explicitement prévue par le code de l’énergie dans son article L314-15.

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